PENSER À NOURRIR

Un souper spaghettis, des nappes de papier, un réfectoire d’école, une tombola et ses lots singuliers. De cette soirée qui sonne un peu comme une B.A., je suis revenu avec ce livre improbablement arrivé jusqu’à moi : Nourrir.

Nourrir, c’est une une suite de récits sur l’acte en question devenu véritablement obsessionnel (dans le bon sens du terme) pour Alain Etchegoyen ; nourrir ses enfants (à tous âges), leurs amis, ses amis, ses étudiants, ses femmes ; nourrir pour donner, pour apprendre, pour déstandardiser, pour éduquer ; pas juste remplir, gaver et apaiser mais nourrir de bon et de beau, de vrais produits, éprouver leur matière, créer des souvenirs et s’en nourrir en retour.

Difficile, pour moi, de ne pas penser aux Fondus au parmesan de Bonne-Maman Renée, dont on ne connaîtra jamais la recette exacte, des Frites coupées au couteau et cuites deux fois de Bonne-Maman Gilberte, accompagnées d’un rosbeef saignant, des sauces « à la papa » du dimanche soir ou la magie créative d’accompagner quelques restes avec du goût, sans oublier le Hachis parmentier de maman. L’intention investie dans ces repas, aussi simples soient-ils, se mesure dans le plaisir donné et reçu. Parce qu’il y a dans ce nourrir-là l’élaboration d’un vrai tissus émotionnel, de souvenirs partagés, recommencés, perpétués. Parce que ce nourrir-là apparaît comme un acte d’une grande affection et d’une véritable bienveillance, parce que ces mots résonnent au plus profond de moi et peut-être de vous :

« Quand je nourris les personnes que j’aime, je pense à elles plusieurs jours à l’avance : en concevant le menu, en faisant les courses, en préparant ce qu’elles aiment. Peut-être n’ont-elles pas conscience de ce temps qui mesure mon affection, mais peu importe cette ignorance. Moi je sais et je fais. […] L’identité de l’autre est au coeur de l’activité et de la pensée. On nourrit toujours quelqu’un, une personne ou plusieurs, mais dans ces moments je ne jouis plus de cette liberté singulière qui permet de choisir, d’inventer, d’improviser. Cette contrainte est douce. Nourrir est alors un acte de pure tendresse. »

A. ETCHEGOYEN (1951-2007), Nourrir, Anne Carrière, 2002, p. 214.

2 Commentaires

  1. découverte de ton site de Gilles, au petit matin, et quelle heureuse surprise! quel pur bonheur de lire ton écriture de la nourriture … c’est de la littérature et succulente ma foi! … tombée au hasard sur les haricots verts et le potager de ta maman … réminiscences … la rhubarbe, les groseilles, … saveurs surprenantes qu’on découvre enfant
    Vraiment! c’est charmant! Quel talent!
    et les photos … superbes!
    oui malgré l’heure j’en ai l’eau à la bouche!
    Bravo Gilles!

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    • Waouw ! Une vraie déclaration ! Merci. G.

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