PENSER À FLATTER

Quand je cuisine, je goûte, j’ajuste, je rectifie, je goûte encore. Un peu de sel, de poivre, une touche d’acidité, trop d’amertume, pas assez de fond. Je goûte à nouveau, l’équilibre est là. Pourtant, parfois, c’est comme s’il manquait toujours quelque chose. J’ai envie de resserrer les saveurs, de les lier dans un même élan, de les densifier. Malheureusement pour nos artères, les matières grasses, ont cette capacité à unifier et à exhaler les goûts car elles en intensifient la perception. Elles flattent. Et de tous les flatteurs, le beurre est sans aucun doute le champion. Je l’ai pourtant longtemps délaissé, l’unissant à l’image d’une cuisine d’autrefois, lourde, riche et abusivement crémée. C’est sûr, l’huile d’olive, c’était tellement plus sain, plus léger et plus à la mode. Et puis, un jour, les bras chargés d’excuses, je le retrouve. Qui m’a ramené dans le droit chemin ? Un souvenir d’enfance, c’est sûr. L’odeur d’une viande ou d’un poisson fariné qui accroche doucement dans un beurre noisette, le goût rond et plein d’une purée, un jus lisse et brillant. Ou peut-être, tout là-haut, bon-papa Jules, ancien inspecteur à l’Office National du Lait et de ses Dérivés. Allez savoir… Me voilà donc en pleine euphorie avec l’envie de mettre mon ami retrouvé à toutes les sauces. J’ai du miso blanc dans mon frigo. Vous savez, cette pâte de soja fermenté, pâle, douce et plutôt salée. Voilà une belle mission pour mon nouvel ami. Adoucir, arrondir et cajoler. J’en ai les yeux qui plissent. C’est bon signe !
J’ai réalisé cette recette à la fin de la période des asperges. Vous pouvez, sans problème, la remplacer par un autre légume de saison (carotte entière, daikon, navet,…).
apostrophes alone2Ballottines de volaille aux cèpes / asperge / fregola / peau de poulet / miso et beurre.

Pour 4 personnes :

1 poulet entier de qualité et de première fraîcheur.

4 belles asperges

200 gr de fregola (pâte sèche sarde)

2 beaux cèpes

1 carotte

1 petit oignon

1 feuille de laurier

2 gousses d’ail

2 cs de pâte de miso blanc (magasins asiatiques ou bios)

10 cl d’eau

100 gr de beurre

Peau de poulet

Déshabiller la volaille de sa peau (côté poitrine et côté dos). Étendre les 2 morceaux de peau sur une plaque de four recouverte de papier de cuisson. Saler et poivrer. Recouvrir d’une autre feuille de papier et d’une deuxième plaque de cuisson. Dans un four préchauffé à 180°C, laisser cuire environ 20 minutes puis vérifier. Il faut une belle coloration dorée et un croustillant. Une fois obtenu, égoutter sur du papier absorbant et garder à température ambiante.

Fond de volaille

Lever les filets de la carcasse avec un couteau fin. Bien longer les os du coffre jusque sous la cuisse. Réserver les poitrines au frigo. Dans une grande casserole, mettre la carcasse de volaille, la carotte coupé en rondelles, l’oignon tranché grossièrement, l’ail et le laurier. Couvrir d’eau froide. Saler et poivrer légèrement. Porter à ébullition et laisser cuire environ 1 heure 30 minutes à petits bouillons. Écumer régulièrement. Dégraisser la surface à la louche. Passer au chinois (récupérer la viande de la carcasse pour une autre utilisation même si elle n’aura plus beaucoup de goût). Réduire le fond blanc filtré à petits bouillons jusqu’à un ou deux centimètres dans le fond de votre casserole. L’idée est d’obtenir une glace, un fond très concentré voire légèrement sirupeux. Ne rectifier l’assaisonnement qu’en toute fin d’opération.

Ballotines de volaille aux cèpes

Brosser les cèpes. Gratter les parties terreuses avec la lame d’un couteau. Trancher en 2 à 3 millimètres d’épaisseur. Poêler au beurre chaud. Saler, poivrer et réserver. Récupérer les blancs de la volaille. Le filet à plat sur une planche, la paume de la main bien à plat sur le filet, trancher dans l’épaisseur du blanc de volaille en portefeuille (sans aller jusqu’à l’autre extrémité). Saler et poivrer l’intérieur de la ballottine. Aligner les lamelles de cèpe. Refermer. Déposer le filet sur une feuille de papier film et rouler serré. Maintenir les extrémités du papier film entre les pouces et les index (comme un caramel que l’on déballe) et rouler vers l’avant. Le boudin doit toujours rouler dans le même sens, sans revenir en arrière. Vous obtiendrez, de cette manière, une ballotine bien serrée et bien régulière. Faire un nœud avec les deux extrémités du papier film pour qu’il ne bouge plus. Répéter l’opération pour le deuxième filet. Cuire les ballotines sous-vide durant 1 heure à 59°C. Pour ceux qui ne disposeraient pas du matériel requis, j’ai testé une autre technique : dans un poêlon, porter du bouillon de volaille à ébullition (dans ce cas nous utiliserons un bouillon cube). Couper la source de chaleur et immerger les ballotines. Les laisser dans le bouillon chaud, feu éteint, pendant 30 minutes. Une fois le temps écoulé, relancer l’ébullition. Retirer les ballotines aux premiers frémissements. Juste avant de dresser, colorer la viande rapidement dans un beurre bien chaud. Attention, le but est de colorer et plus de cuire. L’opération doit être rapide.

Fregola

Cuire la fregola dans de l’eau bouillante et salée. La garder al dente. Au moment de dresser, réchauffer la fregola dans la glace de volaille. Ajouter une noisette de beurre pour un beau brillant.

Sauce miso blanc et beurre

Dans un poêlon, délayer 2 cs de miso blanc dans 10 cl d’eau à l’aide d’un fouet. Faire chauffer. Monter avec 50 gr de beurre froid coupé en petits morceaux. Goûter et rectifier.

Asperge

Éplucher les asperges. Aligner les têtes, couper 3 à 4 centimètres du pied. La partie basse est plus filandreuse et vous aurez du même coup des asperges de même longueur. Les coucher dans une grande poêle avec 2 cm d’eau, 40 gr de beurre, du sel et du poivre. Porter à ébullition et réduire le feu à petits bouillons. Les faire rouler régulièrement jusqu’à évaporation de l’eau (ne pas faire brûler le beurre!). De cette manière, les asperges vont se glacer dans le beurre et dans leurs propres sucs de cuisson (cela fonctionne avec d’autres légumes de faible calibre, merci à Julien Lapraille pour le truc).

Dressage

Essayer de maintenir tous vos éléments et vos assiettes au chaud (un four à 55°C est idéal). La peau de poulet, restée à température ambiante, sera cassée à la main au moment du dressage. Trancher la viande au dernier moment.

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